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Auvergne, Puy-de-Dôme, Clermont-Ferrand art, sculpture contemporaine, céramique contemporaine

Critique par Licia Demuro

Mai 2022

 

Les figures à la géométrie parfaite qu’élabore Lorraine Garnier jouent d’un équilibre précaire qui oscille entre organicité et synthétisme des matériaux utilisés. Les propriétés antithétiques de ces derniers s’affrontent et se confondent pour venir créer des formes astrales qui semblent communiquer avec des mondes cosmiques situés hors du présent.

Nourrie par la lecture d’essais issus de la vulgarisation scientifique, tel que Patience dans l’azur de l'astrophysicien Hubert Reeves, l’artiste rêve de l’Univers pour trouver ses réponses plastiques aux mystères qui l’habitent. Face à cet incommensurable qui la fascine, l’artiste tente de faire se rapprocher les temporalités galactiques lointaines et inatteignables afin de les appréhender à l’échelle de son corps. Pour ce faire, elle puise notamment dans la physicalité de matières contradictoires, entre celles synthétiques de la société industrielle et celles organiques de la nature. C’est ainsi que frites de piscine, mousses, nylon, fourrures artificielles et autres matériels trouvés dans le commerce côtoient le grès brut, en venant créer des assemblages inattendus.

 

L’artiste prend conscience de sa sensibilité pour la superposition d’ambiances et de textures antinomiques lors de visites pédagogiques dans les grottes rupestres de l’Ariège. A cette occasion, elle se confronte aux gestes de peinture ancestrale laissés par les premiers hommes dont l’expérience bouleversante se révèle être en décalage par rapport à l’artificialité des aménagements touristiques actuels.

Parallèlement à cette expérience perceptive troublante, Lorraine Garnier, qui pratique exclusivement la céramique au début de son cursus à l’école d’art de Limoges, se confronte à la question épineuse de la monstration. Elle décide alors de renverser les rapports hiérarchiques entre les matériaux ainsi que ceux existant entre l’œuvre et son dispositif scénographique. Les supports d’accrochage et de mise en scène finissent ainsi par entrer dans l’arène créative en devenant partie intégrante de ses compositions.

En témoignent plusieurs installations présentées en 2021, telles que Principes où l’édition de son mémoire de fin d’étude repose sur une structure réalisée en frites de piscine emboîtées entre elles par un système de joints en céramique. La sensation de stabilité est ainsi mise à mal, comme le montre également la pièce Banquise, où une forme en grès noir, composée d’arrondis et de lignes droites, se retrouve surélevée au dessus du vide, soutenue par deux pilonnes de mousse polyuréthane, reliés entre eux par une simple sangle.

L’exploration des limites gravitationnelles est poussée plus loin lorsque l’artiste inaugure une série de grandes installations suspendues (Fléau, Balck hole et Parabole n°1 et n°2). De grands volumes en grès noir à la facture aérodynamique et sophistiquée, évocateurs de l’espace sidéral, pendent fragilement au plafond grâce à des cordes synthétiques - tantôt simples, tantôt clipsées à la manière de sacs à dos -, en venant créer de nouvelles tensions entre forme et matière.

A l’inverse, la céramique peut se faire aussi véritable support portatif. Dans l’installation Poussinator par exemple, le grès est modelé de façon à adopter l’aspect d’une structure verticale creuse, au bout de laquelle repose l’une de ses figures astrales aux couleurs vives, recouverte de fourrure synthétique qui lui confère un consistance étrangement moelleuse et familière.

 

Le répertoire formel de Lorraine Garnier se veut rare et énigmatique, doté d’une  esthétique pop et séduisante. Grâce à l’agencement savant des matières, des formes et des couleurs, l’artiste rejoue dans ses œuvres cette inexplicable attirance pour l’insondable. A l’image d’une inventrice de machines à voyager dans le temps et dans l’espace, elle propulse l’imaginaire du spectateur dans un univers de science-fiction extravagant à l’identité indéfinissable.

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